Audrey Devaud

D’os et de porcelaine (site internet)


« C’est en ce sens que devenir tout le monde, faire du monde un devenir, c’est faire monde, c’est faire un monde, des mondes, c’est-à-dire trouver ses voisinages et ses zones d’indiscernabilité. »
Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux.
Dessins, lithographie, gravure laser, volumes de bois précieux ou ordinaires, figures d’ossements et de terres, la pratique d’Audrey
Devaud fait surgir un monde à partir d’un autre, une dimension dans une autre.
Du dessin à la sculpture, elle tisse patiemment son œuvre avec la joie sans cesse renouvelée de l’expérimentation. De ces premières amours pour le livre, l’artiste conserve un goût pour la main, terme technique qui désigne en reliure, la manière dont le livre en tant qu’objet habite la main et donc par extension sa sensorialité et l’harmonie entre les matériaux qui le compose. C’est aussi par le jeu de la main, son adresse, son habileté qu’Audrey Devaud crée des œuvres en se confrontant à la matière par l’acquisition de multiples savoir-faire. Il y a une connaissance par la main, il y a de la technique, de la technicité dans cette œuvre qui embrasse et relève des défis plastiques, dans une quête assumée de beauté, de minutie et de préciosité, toujours suspendue entre épure et ornement.


Son œuvre est un passage, entre deux mondes, visibles et invisibles, ici et ailleurs, où l’autrefois est une source et demain une fiction. Son univers est marqué de présences artisanales, folkloriques et populaires, ce sont les œufs de Fabergé, la clarté de la porcelaine ancienne chinoise ou limougeaude, les carreaux de faïence, la science-fiction littéraire et cinématographique, de niche ou connue de tous, et tout ce qui compose aussi l’histoire familiale, les petites affaires, les petits objets dont on ne se sépare guère et qui encombrent bureaux et étagères, des marrons, des bricoles porteuses de petites et grandes histoires, de protections secrètes.
Aussi, le morceau de bois domestique, une fois poli, facetté, marqueté, devient un grigri qui tient la main et garde la poche, en talisman d’un nouveau monde qui s’étend de la psyché humaine avec ses faces torturées, composées, recomposées, au cosmos dont les images scientifiques peuvent s’agrandir jusqu’à devenir aveugles et insensées, matières pures aux anfractuosités multiples.
Sous couvert d’une élégance aux lignes claires, toujours tendues entre abstraction et figuration, le regard de l’artiste touche à l’intime, au récit de soi et cette dimension narrative s’éprouve dans le souci de la scénographie. Audrey Devaud sculpte pour nos murs, pour ce qu’on affiche chez soi, ce dont on fait trophée, ce dont on est fier et qui nous fait du bien parce qu’il nous relie avec l’ailleurs.


Florence Andoka